Le tribunal administratif de Paris a estimé jeudi que l’Etat avait «commis une faute engageant sa responsabilité en mettant en cause publiquement» deux magistrats du parquet national financier (PNF) en 2020, dans l’affaire qui avait valu un procès inédit à l’ex-ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti.
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a blanchi, jeudi 15 septembre, de tout manquement disciplinaire l’ex-juge d’instruction à Monaco Edouard Levrault. C’est l’épilogue d’un affrontement engagé, en juin 2020, par l’actuel ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, alors avocat du responsable de la police judiciaire monégasque mis en examen par ce magistrat français lorsqu’il était détaché dans la Principauté. Il avait annoncé par voie de presse des poursuites pénales et disciplinaires à la suite de propos tenus dans une émission de France 3 par M. Levrault, évincé un an plus tôt de la justice monégasque tandis qu’il menait une instruction sur une affaire impliquant des proches du prince Albert.
Une semaine avant qu’Eliane Houlette, à la tête du PNF au moment de l’affaire «des fadettes», ne soit jugée par l’organe disciplinaire des magistrats, un rapport relativise sensiblement les accusations de possibles conflits d’intérêts et de problèmes de management.
La cheffe du PNF à l’époque des faits, Eliane Houlette, retraitée depuis 2019, sera jugée à la demande de Matignon les 26 et 27 septembre par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’organe disciplinaire des juges. La quasi-condamnation a priori de la magistrate par l’exécutif, qui avait saisi le CSM alors même qu’une inspection interne avait conclu que «les magistrats du PNF ont agi dans le cadre de la loi», selon les propres mots du Premier ministre Jean Castex, ressemblait fort à du harcèlement. «Tous les moyens sont bons pour faire pression sur les magistrats et multiplier les poursuites disciplinaires, peu important que des fautes soient établies ou non !» avait déploré l’USM, syndicat majoritaire chez les juges.
Aucune sanction n'a été réclamée mercredi 31 août devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à l'encontre du juge Édouard Levrault, l'un des trois magistrats visés par des poursuites disciplinaires à la suite des enquêtes administratives demandées par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
«Je vous demande de retenir les griefs mais de dire qu'il n'y a pas lieu à des sanctions», a conclu le directeur des services judiciaires (DSJ) qui s'exprimait au nom de la première ministre Élisabeth Borne. Le CSM fera connaître sa décision le 15 septembre mais s'il suit les recommandations du DSJ ce serait un camouflet pour le ministre de la Justice.
Trois magistrats sur qui le ministre de la justice avait demandé à l’été 2020 des enquêtes administratives passent ces jours-ci en audience disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Mais les conditions dans lesquelles Eric Dupond-Moretti avait ordonné des enquêtes les concernant à l’inspection générale de la justice, à l’origine de sa mise en examen en juillet 2021 pour « prise illégale d’intérêt », seront éventuellement examinées par la Cour de justice de la République (CJR) en 2023.
Edouard Levrault, ancien juge d’instruction à Monaco, est convoqué devant la formation disciplinaire des juges du siège du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) mercredi 31 août. Patrice Amar, premier vice-procureur au Parquet national financier (PNF), et Eliane Houlette, l’ex-patronne du PNF, passeront devant la formation disciplinaire réservée aux magistrats du parquet respectivement les 20 et 21 septembre, et les 26 et 27 septembre. Tous trois avaient été vivement pris à partie en juin 2020 par M. Dupond-Moretti, alors avocat, et des plaintes avaient été déposées contre eux. Quelques semaines plus tard, devenu ministre, il lançait des enquêtes administratives sur ces magistrats, sur la base desquelles le premier ministre Jean Castex engagea ces poursuites disciplinaires.
La Cour de justice de la République a rejeté ce mardi plusieurs requêtes d’Eric Dupond-Moretti, mis en examen depuis juillet 2021 pour prise illégale d’intérêt, a indiqué le parquet général près la Cour de cassation. Saisie par les avocats du garde des Sceaux, la commission d’instruction de la CJR a rejeté leur demande d’audition de Céline Parisot, présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM), l’un des syndicats à l’origine des plaintes déposées avec l’association Anticor pour dénoncer des situations de conflits d’intérêts dans deux dossiers. Elle a aussi refusé d’auditionner Henri-Claude Le Gall, magistrat honoraire à la retraite et ancien président de la CJR entre 2000 et 2012. Cette même commission d’instruction avait sollicité son avis sur la marche à suivre concernant des requêtes en nullité déposées par le ministre.